Pages

mardi 29 septembre 2015

La Rentrée littéraire 2015 : "La Dernière Nuit du Raïs" Yasmina Khadra

Une rentrée littéraire qui déborde de découverte fort intéressante, pour moi ! Avec en plus une belle jaquette grâce à 'un magnifique graphisme de © Duchène Amine.


La dernière nuit du Raïs", Yasmina Khadra
Ed. Julliard

Quatrième de couverture :

« Longtemps j'ai cru incarner une nation et mettre les puissants de ce monde à genoux. J'étais la légende faite homme. Les idoles et les poètes me mangeaient dans la main. Aujourd'hui, je n'ai à léguer à mes héritiers que ce livre qui relate les dernières heures de ma fabuleuse existence.
Lequel, du visionnaire tyrannique ou du Bédouin indomptable, l'Histoire retiendra-t-elle ? Pour moi, la question ne se pose même pas puisque l'on n'est que ce que les autres voudraient que l'on soit. »
Avec cette plongée vertigineuse dans la tête d'un tyran sanguinaire et mégalomane, Yasmina Khadra dresse le portrait universel de tous les dictateurs déchus et dévoile les ressorts les plus secrets de la barbarie humaine.


-=-=-=-
Sujet
     Quelles pouvaient être les dernières pensées de Kadhafi, celui qui s'écriait "Je suis Mouammar Kadhafi, la mythologie faite homme" aux dernières heures de sa vie ? Quel peut être l’état d’esprit d’un homme qui de simple soldat prend les rênes du pays, à la suite d’un coup d’Etat, et se retrouve lui aussi dans la peau d’un homme à la merci d’événements dont il n’a pas le pouvoir de commander son destin. 

En Bref :
     Alors que tous tremblaient devant ses ordres, et son comportement parfois irrationnel, car héroïnomane notoire, donc imprévisible, voilà cet homme, seul, dans un huis-clos avec lui-même, souvent repassant sa vie. Son enfance, dans le désert, devant surmonter l’absence d’un père qu’il n’a pas connu, dont il n’arrive pas à connaître le nom, ni l’histoire. Puis sa vie d’écolier, de collégien, puis de soldat. 
     Enfin, il ne va rien pardonner à tous ceux qui l’ont humilié, lorsqu’il prend le pouvoir. Il a la vengeance tenace, et une bonne mémoire. Comment va-t-il pouvoir s’étonner de ne pas être aimé, être surpris de voir le peuple se rebeller. Ce peuple qui l'applaudissait à chaque occasion, bien encadré, par l'appareil qui faisait sa cour, et qui tremblait de ne pas en faire assez pour donner l'illusion à ce dictateur mégalomane. 
     Pourtant, il avait par moment des instants de lucidité, lorsqu’il assistait à des réunions internationales, et qu’il prédisait à ses co-dictateurs, ce qui pouvait leur arriver.  Il savait porter des jugements sur certains en particulier son voisin tunisien Ben Ali. 
"Au dernier sommet de la Ligue, tandis qu’ils se cachaient derrière leur sourire condescendant, je les avais avertis : ce qui est arrivé à Saddam Hussein les menaçaient eux aussi. Tous avaient ricané sous cape. Et Ben Ali, mon Dieu ! Ben Ali ... cette chiffe molle en costard de caïd qui roulait des mécaniques au milieu de ses sbires et qui s’écrasait comme une crêpe devant le dernier des émissaires venus  d’Occident ! Il était en face de moi, la figure écarlate à force de contenir son fou rire. Je l’amusais. J’aurais dû quitter la tribune pour lui cracher à la figure.
Misérable Ben Ali, fier de son embonpoint de maquereau endimanché et content de prostituer son pays au plus offrant. Je n’ai jamais réussi à le sentir, cette boursouflure maniérée. Je n’aimais ni sa coupe de cheveux ni son charisme de pacotille. » [p. 41]
     Enfin, il apprécia le jeune lieutenant-colonel Trid, qui n’avait pas peur de lui, et lui parlait franchement. 
« Un principe m’accompagne depuis que j’ai opté pour le choix des armes : il ne faut pas avoir peur de mourir car on risque de mourir de peur. Et puis, n’est-ce pas le but final de l’existence, la mort ? On a beau posséder le monde ou tirer le diable par la queue, un jour on est appelé à tout laisser sur place, nos trésors comme notre lot de misères et à disparaître. [p. 146]
Il avait même appris par cœur, ses discours ... 
« Il y a trois cents cinquante millions de têtes de moutons ! » [p.148]

Mon avis :
     Après avoir écouté Yasmina Khadra se présenter lors d’une émission radio*, je fus agréablement étonnée d’entendre cet homme, évoquer sa vie, la raison de son pseudonyme féminin, dans un français tellement parfait et qui lui semblait si facile. Je n’avais encore qu’entre aperçu sa production littéraire. Mais je me suis promis de le noter bien vite sur ma liste de livres à lire. 
     Je viens de terminer "La dernière nuit du Raïs", je ne suis pas déçue. Je le recommanderai donc sur ce blog.

Site du livre chez Editeur : http://www.julliard.fr/site/la_derniere_nuit_du_rais_&100&9782260024187.html 

*Pour voir la vidéo de l'émission France-Info : http://www.franceinfo.fr/emission/le-livre-du-jour/2015-2016/yasmina-khadra-la-derniere-nuit-du-rais-04-09-2015-09-01

Pour en savoir plus :
Éditeur : Julliard
Date de parution : 19 Août 2015
ISBN : : 2-260-02418-1  (7)
Format : 130 x 205 mm
Nombre de pages : 216
Prix : 18,00 €






jeudi 24 septembre 2015

Prix littéraire rentrée 2015 : "Je suis Pilgrim" Terry Hayes

Un très bon Premier roman, que j'avais déjà eu le plaisir de signaler en 2014, vient d'être primé 

"Je suis Pilgrim" Terry Hayes (Ed. Le Livre de Poche)


RÉSUMÉ :
Une jeune femme assassinée dans un hôtel sinistre de Manhattan. Un père décapité en public sous le soleil cuisant d’Arabie Saoudite. Un chercheur torturé devant un laboratoire syrien ultrasecret. Un complot visant à commettre un effroyable crime contre l'humanité. Et en fil rouge, reliant ces événements, un homme répondant au nom de Pilgrim. Pilgrim est le nom de code d’un individu qui n’existe pas officiellement. Il a autrefois dirigé une unité d’élite des Services secrets américains. Avant de se retirer dans l’anonymat le plus total, il a écrit le livre de référence sur la criminologie et la médecine légale. Mais son passé d’agent secret va bientôt le rattraper…

Mon avis :
Je vous rappelle ma chronique de 2014 (http://onnelitjamaistrop.blogspot.fr/2014/12/mes-coups-de-cur-de-lannee-2014-je-suis.html)





PRIX LITTÉRAIRES


Prix des lecteurs 2015

Pour en savoir plus :
Éditeur : Le Livre de Poche
912 pages
Date de parution : 01/04/2015
Langue : Français

EAN / ISBN:  9782253001676
Prix : 8.90 €

Lire quelques pages : 
http://www.livredepoche.com/je-suis-pilgrim-terry-hayes-9782253001676


lundi 14 septembre 2015

La Rentrée littéraire 2015 : "7" Tristan Garcia [éd. Gallimard]

Quelques livres lus :


"7" Tristan Garcia, Ed. Gallimard

Quatrième de couverture :
Sept fois le monde. Sept romans miniatures. 
Il y sera question d’une drogue aux effets de jouvence, de musique, du plus beau visage du monde, de militantisme politique, d’extraterrestres, de religion ou d’immortalité. Sept récits indépendants dont le lecteur découvrira au fil des pages qu’ils sont étroitement liés. 
Peu à peu, comme un mobile dont les différentes parties sont à la fois autonomes et solidaires, 7 compose une image nouvelle de la psyché de l’homme contemporain, de ses doutes et de ses croyances nécessaires. 
Exploration réaliste de divers milieux sociaux, 7 est aussi le récit fantastique d’une humanité qui tourne volontairement le dos à la vérité et préfère se raconter des histoires.

-=-=-


Sujet

     Quelques histoires qui, se déroulant à notre époque, relèvent parfois de l’irréel. On commence, doucement, par quelques individus, qui semblent chercher à retrouver des périodes de leur passé, grâce à « L’Hélicéenne », une substance créé par un chimiste, dont les doses dépendent de l’âge que l’on veut retrouver. 
Puis, un musicien se retrouve avec « les rouleaux en bois », datant d’un autre âge, comme les premières méthodes du cylindre acoustique, sur lesquels on descelle des morceaux de musique qui viennent d’être créées au XXe siècle. 
De roman en roman, « Sanguine », « La Révolution permanente », « L’existence des extra-terrestres »« Hémisphères », on se retrouve dans des histoires où le surnaturel tient de plus en plus de place. L’inexplicable, vient s’imbriquer dans le réel. 

En Bref :
     Ce sont plusieurs romans, qui semblent uniques, mais dans lesquels nous avons souvent l’impression d’y reconnaître des personnages,  des lieux ou des idées ;  des lieux qui reviennent comme ce parc de La Villette. C’est en feuilletant ce livre pour rédiger ma chronique, en relisant des passages, pour y trouver des extraits que des faits déjà lus dans des histoires suivantes reviennent à la mémoire, comme les crises d’hémorragie. Ces saignements annonciateurs et révélateurs. De quoi, demanderez-vous, lisez donc ces histoires et comme dans un polar, notez bien les moindres détails.  :
« Son sourire était d’un rose vif, un léger filet de sang lui coula du nez, passa près de ses lèvres humides et je crois bien que je ressentis à son égard un élan d’affection et de sympathie dont j’avais oublié jusqu’à la possibilité, depuis des années que je n’aimais plus personne. Qu’est-ce qu’elle avait pris, pour pisser comme ça sur le tapis ? Elle renifla, essuya le sang d’un revers de la main et me regarda les yeux brillants. –« Faut pas stresser, on a le temps » [p. 9]
     Le narrateur, parle à la première personne, il semble donc que ces aventures lui soient arrivées. Mais, peut-on l’affirmer, l’auteur mêle tellement bien la description du monde réel à son histoire ! On se croit dans certains événements de notre histoire, dans l'actualité, dans le vécu,
« Il était impitoyable dans son diagnostic de l’époque. Selon lui, les pauvres vivaient sans idées, les gauchistes vivaient d’idées mortes, les bourgeois ne pensaient que pour défendre leur vie et les fascistes pour détruire celle des autres. Enfin, parmi la plupart des esprits raisonnables et modérés, tels que la mère de cet enfant, régnait un scepticisme de convention. Le relativisme autoritaire était ce qu’il y avait au monde de mieux partagé. Crois à ce que tu veux : c’est ton droit ; mais ne l’impose à personne ; c’est un ordre. Cette maxime avait remodelé une humanité à la fois ouverte et obtuse, sans foi mais pleine de lois, pour laquelle Marlon n’avait que mépris. Tout cela, il ne pouvait prendre le risque de le dire à l’enfant. » [p. 167]

Mon avis :
     « 7 » c’est ma découverte de Tristan Garcia. Je n’étais pas un bon public des histoires un peu surnaturelles, mais je me suis laissé prendre au jeu, recherchant ce que l’éditeur nous avait annoncé : « Sept récits indépendants dont le lecteur découvrira au fil des pages qu’ils sont étroitement liés. 
Peu à peu, comme un mobile dont les différentes parties sont à la fois autonomes et solidaires, 7 compose une image nouvelle de la psyché de l’homme contemporain, de ses doutes et de ses croyances nécessaires. »

Site du livre chez Éditeur : http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/7 

Pour lire un extrait :
http://flipbook.cantook.net/?d=%2F%2Fwww.edenlivres.fr%2Fflipbook%2Fpublications%2F100623.js&oid=3&c=&m=&l=&r=&f=pdf 

Pour en savoir plus :  3/5
Éditeur : Gallimard
Collection : Blanche
ISBN : 9782070149889
576 pages, 140 x 205 mm
Parution : 20-08-2015 
Prix : 22.50 € 




mercredi 2 septembre 2015

Egypte éternelle ... (4) Les écrivains voyageurs !

     Après l'expédition d'Egypte de Bonaparte, et les commentaires publiés, combien d'hommes de plumes ont-ils décidé de faire le voyage ? Combien de voyageurs ont-ils ressenti l’envie de retranscrire leurs impressions, de décrire le spectacle, le paysage, quotidiennement sous leurs yeux, dans leur journal de bord. Certains les ont publié de leur vivant, pour d'autres il a fallu que l'on découvre leurs souvenirs après leur mort.

     Dans la collection Bouquins, Robert Laffont, a publié "une anthologie de voyageurs européens de Bonaparte à l'occupation anglaise". Sarga Moussa, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de l'orientalisme littéraire, avec la collaboration de Kaja Antonowicz, germaniste et traductrice, nous proposent un travail remarquable. 


"Le Voyage en Egypte" Sarga Moussa
Bouquins, Ed. Robert Laffont

      Pour visiter l’Egypte, divers itinéraires sont abordés.  Tout d’abord, en débarquant, voici la Basse-Egypte, avec Alexandrie et le Delta, puis Le Caire et Héliopolis. Enfin l’incontournable  visite de Gizeh et Sakkara,  puis une poursuite jusqu’à Port Saïd, Ismaïlia et Suez. Afin de poursuivre le voyage, embarquons sur le Nil pour traverser le pays, en route pour la Haute Egypte. Retour dans l’Histoire, avec la découverte des sites parfois ensablés, ou bien en plein travail des archéologues, pour mettre à jour ces trésors, jusqu’à la Nubie.

     Certains de ces explorateurs ont voulu voir le Désert ! Alors voici le Sinaï, puis le désert Arabique, enfin le désert libyque et ses oasis.

      Un tel voyage, offre l’occasion de rencontres. Une mosaïque de populations, de groupes ethniques. Rencontre avec les fellahs qui font de cette terre fertile apportée lors des crues du Nil, ce miracle faisant sortir de terre, ce dont les hommes ont besoin pour vivre. Comme le disait HERODOTE, qui avait visité l’Egypte au Ve siècle avant J. C. ; il consacre à ce pays, tout son livre II de son « Enquête ». Aujourd’hui encore on a retenu sa citation « L’Egypte est un don du Nil ». 

     Parfois controversé par les chercheurs contemporains, les récits consacrés aux esclaves qui auraient construis les pyramides, au temps des Pharaons, il est indéniable que des siècles plus tard, plusieurs voyageurs ont consacré des pages à ces hommes et femmes objets du commerce en Méditerranée. 

     Le côté Ethnographique du voyage abordé également, décrira la vie quotidienne, les fêtes, les rites et les croyances, ainsi que les religions aux différentes époques. 
Bien que souvent retranchées dans le Harem, elles existent les femmes égyptiennes. Mais parfois faisant partie de la tribu des Almées, de fières danseuses, qu’on apparente  souvent aux tziganes, elles sortent et vont dans les fêtes, mariages, pour se produire aux yeux de tous. 
     
     Enfin la période de la modernité, arrive à marquer de son empreinte l’Egypte. MEHEMET –ALI,  le pacha, que les occidentaux auront du mal à définir. Barbare ou civilisé ? Une école de pensée « Les Saint-simoniens »  dans le début des années 1830, se trouveront à une période très active. Bien accueillis en Egypte, souvent polytechniciens, ils vont œuvrer pour bâtir et édifier de grands travaux. 

     Puis on ne peut pas ne pas parler des Mamelouks. Ces anciens esclaves francs, blancs, qui ont formé un régiment qui aura sa part dans l’histoire moderne de l’Egypte.
Petit à petit on verra la fin de l’Egypte authentique, le peuple exploitable, l’arrivée des despotes, de la corruption comme religion d’état.

     L’Egypte s’européanise, le chemin de fer, diminue les temps de transport entre Alexandrie et Le Caire. Le canal de Suez est inauguré. Verdi joue son opéra Aïda l’inauguration de l’Opéra du Caire en 1871.

     L’Angleterre et la France, occupent l’Egypte depuis 1882 ; mise sous tutelle, car ruinée l’Egypte s’accommode tant bien que mal. Le Pacha garde un semblant de pouvoir.  En janvier 1907, Pierre Loti, passe au Caire, qu’il qualifie de « foire cosmopolite »

      « Mais tout à coup, tapage de conversation en langue teutonne, -et des éclats de voix, et des rires ! … Comment est-ce possible, si près du grand mort ? Entrée d’une bande de touristes, habillés en « gens chic » ou à peu près. Un guide à visage de drôle leur fait la nomenclature des beautés du lieu, parlant à tue-tête, comme s’il était chargé du boniment dans une ménagerie. Et l’une des voyageuses, à cause de sandales trop larges qui la font trébucher, rit d’un petit rire bête et continu, comme glousserait une dinde…  Alors, il n’y a pas de police, de gardien, dans cette mosquée sainte ? Et parmi les fervents prosternés en prière, pas un qui se lève et s’indigne ! … Qui donc, après cela, vient nous parler du fanatisme des Égyptiens ?  Trop débonnaires plutôt, ils me sont apparus partout. Dans n’importe quelle église d’Europe, où des hommes prieraient agenouillés, je voudrais voir  comment serait accueillis des touristes musulmans qui, par impossible, se tiendraient aussi mal que ces sauvages-là. »  [p .960]
     En annexe, des notices bio-bibliographiques des voyageurs, la chronologie des principales dates depuis 1767 relative à l’histoire de l’Egypte, sans oublier un index des lieux, pour finir une table des matières très détaillées afin d’y retrouver rapidement, l’auteur et l’extrait qui vous intéressent en fonction de la thématique et de la géographie.
     
Mon avis : 
     Un volumineux ouvrage, presque une bible, de 1 110 pages. A poser dans sa bibliothèque pour tout amoureux de littérature et d’Egypte.  

Pour en savoir plus
Editions Robert Laffont
Collection BOUQUINS
ISBN 2 221 087429 (9782 221 087428)
date de parution : janvier 2004
1 110 pages
Prix : 29.00 €